« Être à l'écoute du consommateur et lui apporter ce dont il a envie »
Les enseignes spécialisées mènent actuellement un travail pour réinventer la jardinerie. Jardiland, qui a changé de main il y a trois ans, teste à Bonneuil-sur-Marne (94) un concept de point de vente nouvelle génération.
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Notre secteur est moins impacté que d'autres, la mode ou l'ameublement pour ne citer que ces deux exemples, par les ventes sur internet. Néanmoins, le constat général s'y applique : si demain les points de vente ne seront que des lieux où l'on viendra se fournir en biens de consommation, ils perdront inexorablement leur raison d'être. Il sera en effet toujours moins cher de gérer des flux de marchandises dans une simple zone de stockage et de les écouler sur internet, que d'entretenir et de faire vivre un point de vente. Et ce quel que soit le mode de livraison, enlèvement par le client ou expédition. Les enseignes doivent donc se réinventer pour attirer le client avec une nouvelle panoplie de services et de propositions visant à faire vivre au consommateur une « expérience client » nouvelle.
L'idée est maintenant intégrée par les acteurs du commerce horticole et les enseignes travaillent toutes sur de nouveaux concepts de magasin. Chez Jardiland, le point de vente de Bonneuil-sur-Marne, à quelques kilomètres de Paris et du siège social de l'entreprise, est celui qui est le plus avancé en la matière. Nous y avons rencontré Thierry Sonalier, président de l'enseigne, et Vincent Avignon, directeur des opérations.
S'adapter à un marché qui a muté
« Le but était d'écouter le consommateur, avec pour objectif de lui donner ce dont il a envie. La démarche, entamée au mois de mars 2015, a été menée en interne et en externe, sur une période de 3 à 4 mois. L'enseigne a mélangé les savoirs liés au jardin et ceux liés à l'architecture commerciale, explique Thierry Sonalier. Le nouveau concept de magasin est résolument orienté vers le végétal, qui représente 50 à 55 % des ventes, tous secteurs confondus (la serre chaude, le marché aux fleurs et la pépinière). Le reste se partage pour moitié entre l'animalerie et l'art de vivre. »
La démarche s'est appuyée sur un certain nombre de constats. La montée en puissance du minéral dans la demande des consommateurs, évidemment. Mais, pour Vincent Avignon, « il ne faut pas jeter la pierre à ceux qui vont vers l'inerte : les gens veulent profiter de leur jardin, mais économiser du temps. Le minéral est associé à l'inerte, mais il se mélange à la décoration et au vivant. Les gens veulent certes consacrer moins de temps à leur jardin, mais ils souhaitent aussi y investir pour y prendre plus de plaisir ».
Autre observation : aujourd'hui, l'acheteur potentiel a plutôt envie d'un produit fini. Il faut lui proposer du prêt-à-poser, voire du prêt-à-consommer. Il a de moins en moins de connaissance. « Il ne faut pas l'assommer avec des problèmes de classification. Il doit trouver de l'agrément. Le marché a muté. Après la Seconde Guerre mondiale, nous avions un jardin nourricier, puis un jardin d'agrément dans les années 1970-1980. Maintenant, c'est autre chose, l'usage est différent. Nous voulons être l'enseigne de la passion, éduquer le client, sans complexifier pour ne pas qu'il devienne un élève, mais qu'il se fasse plaisir en découvrant le marché. C'est ce qui nous permet de rouvrir des magasins », explique Thierry Sonalier.
Dernier constat : le marché du jardin est à maturité. « Si un nouveau point de vente se crée, le gâteau sera divisé en une unité de plus. Le logement neuf stagne, les transactions immobilières sont au point mort. Pour que le commerce fonctionne, il faut de l'argent et de l'envie. Les gens parlent de vert, mais aiment peu jardiner. C'est un paradoxe, les gens apprécient et veulent retourner vers la nature, mais sans mettre les mains dans la terre. Et ils ont peur de ne pas avoir la main verte. La structuration du marché varie d'un pays à l'autre. Dans certains, l'approche est plus marketing qu'en France », poursuit le dirigeant de l'entreprise.
De nouveaux rayons
Pour répondre à ces attentes, le magasin offre une approche déclinée par univers. Le parcours du client a été pensé autour du marketing. Dès son entrée, au sein des plantes d'intérieur, l'équipe de direction lui montre comment l'ensemble de l'offre est passé « du laborieux au féminin ». « Les gens croient qu'ils n'ont pas la main verte ? Nous cherchons à les rassurer en leur présentant des végétaux qui nécessitent assez peu d'entretien. » L'offre est regroupée par style : vintage ou moderne ? Dans le second cas, les plantes graphiques très "déco" ont le vent en poupe. Le but est également de décloisonner les produits, afin que le client raisonne davantage en termes de projet qu'en unité de besoin. Il choisit une plante, un pot, « je comprends, je prends, et ça tourne », précise Vincent Avignon. La fleuristerie a été réintroduite, Interflora a servi de référence. Une charte a été adoptée pour la bouquetterie, et le but est de travailler aussi bien le mariage que le funéraire. L'épicerie et un rayon de fruits et légumes font leur apparition, pour l'instant seulement dans la structure de Bonneuil-sur-Marne. Pour que ces nouveaux rayons puissent prendre place dans le magasin, de l'espace a été gagné sur le manufacturé. Le bio est une tendance lourde au niveau de l'offre végétale et y occupe une place croissante. « Nous voulons démontrer notre savoir-faire dans ce domaine. Nos fournisseurs ont 4 ans pour aller dans ce sens. Dans l'immédiat, l'offre se décline en 3 espaces : le conventionnel et, pour accompagner les consommateurs qui sont de plus en plus nombreux à avoir amorcé la mutation, le raisonné et le bio. Nous pensons que l'intelligence collective va diffuser. À la fin, il restera un bio de masse », estime Thierry Sonalier. Cette année, une forte demande a été enregistrée sur ces gammes. Une marque a été créée pour leur apporter de la valeur ajoutée : Fourche & Compagnie. « L'idée est venue lors d'une journée d'échanges avec un fournisseur : nous sommes ressortis en ayant dessiné un projet de packaging ! »
Vers des solutions clés en main
Du côté des services, l'enseigne donne la possibilité au client de rempoter sa plante dans le magasin. Un travail est mené sur la météo, avec une prévision à 7 jours et une tendance pour le mois, afin que le jardinier puisse anticiper et mieux raisonner ses travaux. Et puisqu'il est à la recherche de solutions clés en main, Jardiland crée des partenariats avec les professionnels, paysagistes en particulier, pour offrir au consommateur non seulement une gamme végétale mais aussi la possibilité d'avoir une prestation de plantation par une entreprise locale s'il le souhaite. « Les cuisinistes proposent des produits clés en main, l'objectif est de faire pareil. » Les enseignes de bricolage ont également développé ce réseau d'entreprises qui permet au client de faire poser sa cabine de douche ou son plancher... Le drive n'est pas vraiment présent : « Il s'agit en réalité d'un faux drive, plutôt d'une aide au chargement. Par contre, le click and collect fonctionne dans 175 magasins de l'enseigne, franchisés ou intégrés, sur les 183 que compte Jardiland en France actuellement », précise Thierry Sonalier. Enfin, la livraison à domicile est désormais proposée en Île-de-France.
Une réflexion toujours en évolution
L'équipe de direction de Jardiland poursuit sa réflexion. 2018 sera l'année d'internet et de la digitalisation. « L'idée est de travailler sur la trilogie "web, magasin, client". Tout en faisant simple pour nos deux familles de clients, les franchisés et les intégrés. La restructuration a porté ses fruits, l'enseigne est restée dans le coeur des clients, elle n'a jamais abandonné ses points forts. À l'avenir, l'offre va être élargie, et de nouvelles prestations vont être testées. » Difficile pour l'instant d'en savoir plus, la concurrence est féroce sur le marché !
Pascal Fayolle
L'épicerie et un rayon dédié aux fruits et légumes ont fait leur apparition, pour l'instant dans le seul magasin de Bonneuil-sur-Marne. PHOTO : PASCAL FAYOLLE
Le bio est une tendance lourde au niveau de l'offre végétale et y prend une place croissante. PHOTO : PASCAL FAYOLLE
En termes de services, l'enseigne donne la possibilité au client de rempoter sa plante dans le magasin. PHOTO : PASCAL FAYOLLE
Le point de vente de Bonneuil-sur-Marne est un site pilote pour la mise en place de la Pharmacie des plantes. Des vendeurs spécialisés y valorisent les produits plus respectueux de l'environnement et ne délivrent des produits de synthèse que lorsqu'il n'y a pas d'autre solution. PHOTO : PASCAL FAYOLLE
La place du rayon consacré à la pépinière est confortée dans les nouveaux magasins. PHOTO : JARDILAND
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